Le gateau au chocolat inratable
Je vis une période affreuse. Que dis-je… Je vis un enfer.
En ce moment, mes repères sont ailleurs. Ils sont encore dans le joli petit appart d’Enghien qui fait maintenant le bonheur d’un riche cinquantenaire échappé de Halle (c’est lui qui me l’a dit). Mes bulbes doivent être en train de soulever la terre, les bulbes de perce-neige sont sans doute éclos, les jacinthes de cette année seront plus belles que jamais. Mon pauvre petit lierre, je l’imagine, là tout seul à aller un peu dans tous les sens en se disant que personne ne va diriger ses branches, cette année. Le nouveau locataire m’a téléphoné il y a déjà quelques semaines en me demandant comment il devait s’occuper des plantes. Entre deux sanglots, j’ai su articuler “Le petit arbuste rouge, il faut l’arroser souvent le soir quand il fait très sec”. J’ai répété autant que je le pouvais que s’il comptait les jeter pour faire place neuve, qu’il n’hésite pas à me téléphoner et je récupèrerais mes protégés, tous autant qu’ils sont. Rien n’y a fait, il a persévéré et m’a dit “Ne pleurez pas mademoiselle, je suis l’homme de la situation, j’arroserai les bulbes en été et je taillerai l’arbuste bleu en hiver” Et là j’ai pleurééé, pleuréééé.
Je ne trouve pas mes repères dans cette immense maison de Bersillies l’Abbaye. Rien que le rez-de-chaussée pourrait contenir 3 fois l’appart d’Enghien. Et il y a, en plus, un étage et une cave. Si je n’avais pas grandi dans cette maison, je m’y serais déjà perdue.
Le pire, c’est la cuisine. Si grande, si remplie d’espaces de rangements, tous remplis d’objets rangés par formes et presque par couleurs… Cette cuisine à elle seule représente la perte de mes repères. Et du coup, j’y rate monumentalement tout ce que j’y entreprends.
Non je mens. Un jour, j’ai réussi une cougnolle. Aveuglée par ce succès, j’ai voulu recommencer, mais j’ai oublié d’y mettre du beurre. Une autre fois, j’ai raté un gateau aux pommes que je réussissais depuis toujours. La première fois que j’ai fait ce gateau, je devais avoir 5 ou 6 ans. Et je l’avais réussi. Là non, la levure s’est refusée à moi. La pâte a monté tant qu’elle était près du radiateur, sur une chaise, protégée par un essuie. Ensuite dans le four, elle m’a gentiment nié, transformant le gateau aux pommes de mon enfance en un espèce de bloc dur et lourd. Je l’aurais bien lancé à la figure de mon frère qui se moquait de mon cuisant échec mais non content d’être l’objet de mon humiliation, le gateau m’a brulé les doigts. Même la cuisson des pâtes m’est devenue étrangère. Trop dures, trop molles… Je ne sais pas ce qu’il m’arrive. Je redoute la chandeleur ce week-end parce que ma poële à crêpes et l’outil magique qui sert à retourner les crêpes sont coincés quelque part dans une caisse. Je sens qu’ils essaient de sortir et me rejoindre pour calmer mes angoisses, je les entends crier “crêêêêêêêpes, crêêêêêêêêpes” mais cette année, je passerai mon tour.
J’ai donc déserté la cuisine et j’ai été dans le garage, là où sont entassés nos meubles en attendant la maison. Et là j’ai pleuréééé, pleuréééé. Je me suis ensuite dévouée toute entière à Félix, dernier rescapé de notre vie à l’appart. Rien n’y a fait, le fourbe m’a griffé.
Jusqu’au jour où je me suis dit “Sophie ma vieille, tu ne peux pas te laisser aller, n’abandonne pas! La grande cuisine de Bersillies n’aura pas ta peau, persévère, trouve le chemin de la réussite, vas vers la lumière du gâteau au chocolat inratable”
Et donc, voici la recette:
- 125 g de beurre
- 125 g de sucre en poudre
- 200 g de chocolat fondant (ou 150 de fondant et 50 de noir hum)
- 3 oeufs
- 40 g de farine.
Commencez par préchauffer le four à 250-270 degrès. Hachez le chocolat. Faites fondre le beurre dans un poelon. Hors du feu, ajoutez-y le chocolat, mélangez jusqu’à ce qu’il soit bien fondu. Ajoutez ensuite le sucre, mélangez bien. Ajoutez ensuite les oeufs et la farine. Mélangez encore. Beurrez et farinez un moule moyen (maximum 25 cm de diamètre sinon il n’y aura pas assez d’épaisseur de pâte et il faut changer le temps de cuisson, grrrr) et versez y la pâte au chocolat. Et enfournez pour 7 minutes (à four chaud). Puis laissez refroidir en dehors du four et quand c’est tiède-froid, mettez au frigo pendant une ou deux heures (réflexe écolo: jamais rien de chaud au frigo).
Démoulez quand c’est bien froid et garnissez comme vous voulez.
Attention, quand je dis 7 minutes, c’est 7 minutes, pas une seule minute de plus, sinon vous vous retrouvez, comme moi (beh oui) avec une croute un peu noire au dessus et en dessous et un petit gout de brulé à chaque bouchée… Ca passe…mais on s’en passe.
Tout le délice de ce gateau tient en une chose: on met le sucre quand le mélange est déjà un peu refroidit (ça refroidit un peu le temps que le chocolat fonde dans le beurre) et donc c’est moelleux à l’intérieur et légèrement croquant à l’extérieur, parce que le sucre fond à toute vitesse sous les 270 degrès du four.
1 reply on “Bonjour tout le monde !”